BFC

Notre équipe développe ses activités de recherche à l’interface de la chimie et de la biologie et vise à développer des stratégies chimiques d’interaction avec le milieu biologique. Le développement de ces stratégies repose sur l’élaboration de réactifs, protocoles de synthèse, équipements spécialisés, etc. pouvant être employés dans des milieux biologiques, une volonté se reflétant dans le nom même de notre équipe : chimie biofonctionnelle (BioFunctional Chemistry, BFC).

Deux axes majeurs de recherche se dégagent ainsi : la chimie in-vivo et la conjugaison de biomolécules.

La chimie in-vivo a pour but d’effectuer une réaction chimique dans un milieu vivant. Alors que l’action d’une molécule peut être vue comme un phénomène « statique » – le principe même d’un médicament qui va interagir avec sa cible dans l’organisme pour corriger certains dysfonctionnements sans que sa structure ne soit modifiée, par exemple – une réaction chimique porte en elle un aspect beaucoup plus dynamique. Derrière cette simplicité se cache néanmoins une immense complexité : tandis qu’effectuer une réaction chimique en laboratoire est un processus désormais documenté et maitrisé – il est possible de sélectionner précisément les molécules que l’on fait réagir entre elles, dans un environnement que l’on maitrise de bout en bout (large choix de solvant aux propriétés différentes, gamme de température s’échelonnant de -100 °C à +200 °C, durée de la réaction, type d’atmosphère, milieu anhydre ou non, etc.) – le milieu biologique dicte au contraire ses conditions, auxquelles la réaction chimique devra se plier : milieu aqueux, température invariable d’environ 37 °C ou encore présence d’oxygène.
À ce cahier des charges déjà conséquent, vient se rajouter la présence de tout le matériel biologique moléculaire qui assure le bon fonctionnement de l’organisme en question : le sang et les différents fluides, les cellules et tous les organes qu’elles composent, ainsi que l’ensemble des molécules les constituant. Ces molécules, ainsi nommées biomolécules, sont classiquement partagées en quatre grandes familles, toutes essentielles à la vie : les protéines, dont font partie enzymes et anticorps par exemple, les acides nucléiques (ADN ou ARN), les lipides et les glucides, auxquelles il convient de rajouter les métabolites et xénobiotiques résultants de l’exposition de l’organisme aux produits issus de l’activité humaine (médicament, pollution, pesticide, etc.), souvent étroitement associés aux dérèglements pathologiques. Il convient donc, lors d’approche de chimie in vivo de ne pas perturber les fonctions vitales, tout en modifiant précisément les molécules cibles de sorte à modifier ou corriger leur action biologique au sein de l’organisme. Deux stratégies peuvent ainsi se décliner, la chimie dite bioorthogonale et la chimie dite biospécifique.
La première, plus communément employée, repose sur incorporation au sein d’une molécule A d’une fonctionnalité absente de tout milieu biologique et ne réagissant qu’avec une molécule B uniquement. Notre groupe a, par exemple, appliqué cette stratégie avec succès à la détoxification post-administration d’un agent anticoagulant, la warfarine. En rajoutant un petit groupement d’atomes sur cette molécule, le composé nouvellement synthétisé, appelé azido-warfarine, conserve les propriétés anticoagulantes de la warfarine et se retrouve, de plus, équipé d’une de ces fameuses fonctionnalités absentes de tout milieu biologique. Ceci permet ainsi, lorsque l’effet anticoagulant n’est plus désiré, d’injecter un antidote réagissant spécifiquement avec l’azido-warfarine, pour neutraliser son effet. A la manière d’un interrupteur actionnant une ampoule, nous sommes ainsi en mesure d’activer – d’allumer – et de désactiver – d’éteindre – à notre guise l’effet d’un agent thérapeutique, au lieu d’attendre que l’organisme excrète de lui-même la substance, c’est-à-dire d’attendre que l’ampoule allumée ait grillé pour ne plus avoir de lumière.

Nos recherches actuelles dans ce domaine portent désormais sur le décryptage des règles gouvernant les vitesses de ces réactions dans différents milieux biologiques, sur la conception de réactifs ayant un tropisme pour certains organes et des temps de résidence dans l’organisme plus ou moins longs, mais également sur de nouveaux catalyseurs biocompatibles capables de transformer in vivo des molécules xénobiotiques afin de purifier l’organisme de polluants ou d’activer certaines fonctions biologiques à la demande.

Le second axe de recherche de l’équipe BFC concerne la conjugaison de biomolécules et son application à la synthèse de conjugués anticorps-médicament dans le domaine des thérapies ciblées contre le cancer.
Comme mentionné précédemment, les anticorps sont des protéines. À ce titre, ils sont constitués d’un enchaînement d’acides aminés, qui peuvent être vus comme des briques élémentaires qui, mises bout à bout, finissent par créer une longue chaîne se repliant sur elle-même et adoptant une structure tridimensionnelle particulière : une protéine.
Ces protéines sont donc constituées de centaines d’acides aminés enchaînés les uns aux autres qui leur confèrent des propriétés extraordinaires et essentielles à la vie. Les anticorps font par exemple partie du système immunitaire et ont la charge d’identifier des composés étrangers pénétrant dans nos organismes et d’induire une réponse immunitaire, c’est-à-dire de lutter contre l’agent envahisseur, potentiellement pathogène. Ces propriétés de reconnaissance ont notamment été utilisées dans le domaine de l’oncologie, où des anticorps spéciaux ont été développés afin de cibler spécifiquement certaines cellules cancéreuses. Ces cellules possèdent à leur surface certaines protéines absentes des cellules saines, permettant ainsi aux anticorps de ne cibler que les cellules cancéreuses.
Découlant de ce principe, les chercheurs ont eu l’idée d’attacher, de greffer, à ces anticorps une molécule anticancéreuse : l’anticorps sert alors de véhicule, délivrant le composé toxique qui leur a été attaché aux cellules cancéreuses uniquement.
Ceci représente un changement de paradigme majeur par rapport aux chimiothérapies classiques, où la molécule toxique, anticancéreuse, tue cellules malignes comme bénignes. Le terme de thérapie ciblée était ainsi créé et représente à ce jour une avancée majeure dans le domaine de la lutte contre le cancer.
Notre équipe intervient plus particulièrement sur une problématique liée au greffage de la molécule anticancéreuse sur l’anticorps et qui peut se résumer comme un problème de sélectivité de site : il est en effet très compliqué à l’heure actuelle de contrôler précisément la zone de l’anticorps sur laquelle viendront s’attacher les molécules, ainsi que leur nombre exact. Il en résulte donc des mélanges de millions d’anticorps différents, possédant zéro, une, deux, jusqu’à huit molécules anticancéreuses, réparties anarchiquement à leur surface. Cette grande hétérogénéité se traduit par des propriétés pharmacologiques et thérapeutiques difficiles à maitriser, ce qui s’avère être un frein au développement de composés plus performants.
Nous essayons donc de développer des réactions et des réactifs permettant un contrôle précis du site de d’attache, ou site de bioconjugaison, afin de générer des composés aux propriétés bien définies.

Pour nous aider dans ces recherches où chimie et biologie sont intimement liées, nous bénéficions de chercheurs, techniciens, ingénieurs, doctorants et postdoctorants détenant des savoir-faire couvrant plusieurs disciplines et champs de recherche : chimie, enzymologie, biologie moléculaire ou encore biophysique. Nous avons acquis au fil des années l’expertise et le matériel nécessaires à la synthèse de molécules complexes et réactives, à leur purification, leur analyse, ainsi qu’à leurs évaluations approfondies aussi bien in-vitro qu’in-vivo. De plus, ceci est couplé à une volonté entrepreneuriale forte, soulignée par le développement de quatre startups, opérant dans les domaines de la chimie de synthèse, de la chimie biomoléculaire, de la phytochimie ou encore de la chimio-informatique.
Pouvoir être présent à tous les stades de la chaîne conduisant de la synthèse d’une molécule à ses tests biologiques jusqu’au potentiel développement d’une activité économique est un réel avantage, permettant ainsi à notre groupe de bénéficier d’une reconnaissance nationale et internationale. Pour plus de renseignements, consultez nos publications récentes (2011-aujourd’hui) et les startups issues de nos recherches, et faites connaissances avec les membres de notre équipe !

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